Une architecture méthodologique qui change d’échelle
La randomisation : du patient à la communauté
En santé publique, l’unité de randomisation peut être le groupe (cluster), comme une école, une ville ou une entreprise, et non l’individu. L’ECR en « grappes » (cluster randomized trial) s’adapte aux interventions collectives : campagnes de vaccination, stratégies anti-tabac ou programmes éducatifs. Cette approche introduit une complexité supplémentaire par rapport à la simple assignation aléatoire d’un médicament.
-
Effet de contamination : les personnes du groupe contrôle peuvent indirectement bénéficier de l'intervention (exemple : sensibilisation au dépistage du VIH au sein d’une commune).
-
Corrélation intra-groupe : les membres d’une grappe ont plus de points communs entre eux qu’avec le reste de la population, ce qui complique l’analyse statistique.
Selon l’OMS, seuls 8 % des essais randomisés menés dans le domaine de la vaccination au cours des 10 dernières années ont utilisé le design « cluster », alors que c’est souvent la seule option réellement applicable à grande échelle.
La question des critères d’évaluation
Dans un ECR clinique classique, l’issue principale (endpoint) est définie de manière précise : disparition du symptôme, survie, réduction d’un biomarqueur. En santé publique, les critères sont plus larges, souvent à l’échelle de la population :
- Incidence ou prévalence d’une maladie
- Changements de comportements à risque
- Équité d’accès aux soins
- Indicateurs composite de qualité de vie
Chaque choix d’issue fait peser des enjeux de validité externe : l’impact mesuré dans un contexte expérimental reflétera-t-il la réalité terrain plus diverse ? L’essai PROG-RESA (France, 2017) sur un rappel vaccinal HPV via SMS illustre cette tension : une efficacité relative au sein des lycées impliqués n’a pas eu la même portée lors de l’adoption généralisée à l'échelle nationale.